HISTOIRE DES STYLES : UTILISATION DES BOIS DANS LE MOBILIER FRANÇAIS
Par J. Godefroid, d’après l’encyclopédie des styles.


Les artisans ont utilisé tout au long de l’histoire du mobilier, des bois indigènes ou exotiques multiples et variés. Si les bois indigènes sont généralement employés massifs, les bois exotiques, plus rares et donc plus chers, sont généralement réservés au placage (motifs géométriques), à la marqueterie (motifs floraux, instruments, paysages, etc…).
Ce ne sont pas les seuls critères ; les qualités du matériau (élasticité, densité, dureté), la couleur et les dessins des veines, interviennent également.
Parmi les 43 545 différentes essences de bois recensées par l’université de Yale aux U.S.A, nous retiendrons les plus fréquents :
Six coloris principaux :
– Bois blanc : Erable et érable sycomore, charme, bouleau, poirier, houx.
– Bois blond : Chêne, platane, hêtre, frêne, santal.
– Bois jaune : Citronnier, cerisier, olivier, pin, thuya, tilleul, buis.
– Bois rouge : Acajou, bois de rose, pitch pin, merisier, amarante.
– Bois bruns : Noyer, palissandre, châtaigner, teck, zebrano.
– Bois noir : Ebène, poirier (lorsqu’il est teint).
Dessin des veines : très nombreux et très variés, ils permettent d’obtenir des effets décoratifs différents, plus ou moins appréciés selon les époques (bois ondé, moiré, flammé, moucheté, chenillé, de loupe ou ronceux-racine ou départ de branches-)

Jusqu’à la fin du XVe siècle : le chêne est d’un emploi presque exclusif, époque à laquelle il est peu à peu détrôné par le noyer. Il est vraisemblable que beaucoup de meubles utilitaires aient été également fabriqués en sapin ; la médiocre qualité de ce bois a entraîné leur totale disparition.

Au XVIIe siècle, les bois caractéristiques sont le chêne, le noyer, l’ébène, le poirier, le sapin.
Sous le style LOUIS XIII, jusqu’en 1661, apparaît la mode du placage composé d’ébène, (ou poirier noirci pour les meubles ordinaires), d’ivoire, de marbre, pierres colorées, et divers métaux.
Sous le style LOUIS XIV, fin XVIIe siècle, sont employés en bois massif : chêne, châtaigner et noyer. La marqueterie, dont Boulle est le maître incontesté, connaît un grand développement et utilise de nombreux bois aux couleurs variées et contrastées : jaune de l’amandier et du buis, blanc pur du houx, le gris rosé du bois de sainte Lucie, la gamme des bruns au noir du noyer. Mais aussi, le cuivre, l’argent, l’étain, la corne, la nacre ou l’ivoire.

Au XVIIIe siècle :
Sous le style REGENCE, style de transition s’étendant jusqu’en 1730, le bois massif est de plus en plus utilisé ; le chêne pour les beaux meubles, noyer ou bois fruitiers, tilleul pour les sièges, sapin ou peuplier pour les meubles plus courants. Mais le plus apprécié est le placage de bois de violette (palissandre) en frisage. La marqueterie de bois de couleur se détachant sur l’ébène utilise des dessins géométriques. Quant à la marqueterie d’écaille et d’étain, que réalisent les fils de Boulle, sa faveur, quoique discrète, perdurera tout le XVIIIe siècle.
Sous le style LOUIS XV, (jusqu’en 1770 env), chêne et noyer sont souvent employés en bois massif, mais aussi merisier, frêne, prunier, châtaigner, olivier. Hêtre, tilleul, noyer  sont réservés aux sièges. Cependant, tout  comme les lambris, les bois des meubles sont souvent peints. Pour la marqueterie, une centaine d’essences différentes dont l’acajou, permettent d’exécuter des compositions chatoyantes ; tantôt des bouquets de fleurs s’échappant de paniers ou de vases, tantôt des gerbes, des branchages, des semis de fleurs.
Sous le style LOUIS XVI, le chêne est utilisé en bois massif, pour le bâti des meubles marquetés, les boiseries sculptées, et certains sièges. Pour les sièges et meubles courants ; noyer, frêne, hêtre, loupe de noyer. L’acajou connaît une grande vogue : moiré, moucheté, chenillé ou ronceux, il est employé soit en placage de grande surface pour faire ressortir la beauté de ses veinages, soit massif pour les sièges. Délaissé sous LOUIS XV, l’ébène, le citronnier reviennent à la mode. Quant aux bois fruitiers, ils sont toujours utilisés. Mais, comme sous Louis XV, souvent, le bois est peint, avec des filets dorés ou des réchampis. La marqueterie de bois de couleur, remarquablement mise au point sous LOUIS XV, est de façon générale plus sombre ; dessins géométriques (losanges, entrelacs, rosaces, petits rectangles aux angles rentrants, grecques, damiers) ou motifs de bouquets, scènes champêtres ou paysages historiques.
A la fin du siècle, le style  DIRECTOIRE, inspiré d’art antique simplifié, utilise le bois massif ; orne, noyer, hêtre, bois fruitiers. Seuls les meubles de luxe sont en acajou massif sculpté ou en placage. La marqueterie tombe en désuétude, en raison du manque de main d’œuvre et de l’appauvrissement général. Mais le placage de citronnier et d’ébène, parfois de cuivre et de nacre est en vogue.

Au XIXe siècle :
Le style EMPIRE, qui jusqu’en 1815, emploie l’acajou, massif pour les beaux meubles, en placage pour les meubles courants et pour les sièges ; clair, foncé, moiré, ronceux ou flammé.
L’interdiction de son importation, en 1810 (blocus continental), oblige à employer noyer, loupe d’orme, hêtre, frêne, racine d’if, buis, olivier, érable, et plus rarement, le citronnier. Si la marqueterie a complètement disparu,  minces filets, couronnes ou  rosaces d’ébène, d’acajou, if, sur bois clair, ou de bois clairs (citronnier, olivier), de cuivre ou d’acier, sur bois foncés, deviennent à la mode.
La RESTAURATION, 1815-1830, sous LOUIS XVIII et CHARLES X, adopte les bois blonds.
Mais parfois aussi, emploie des bois foncés ; acajou, palissandre, amarante. Les artisans de l’époque, d’une grande habileté, utilisent indifféremment les bois massifs ou la technique du placage, ou de l’incrustation.
Le style LOUIS PHILLIPPE, 1830-1848, n’est pas original ; dans le prolongement du style  restauration, sans le raffinement, il copie les styles anciens, sans esprit créatif (mode du médiévisme, par ex). Tandis que les bronzes et la marqueterie, trop chers, sont éliminés, les bois foncés reviennent à la mode ; acajou, palissandre, ébène, if, poirier ou hêtre noircis. Les bois clairs ;  sycomore, loupe d’orme sont utilisés pour le placage intérieur de certains meubles.
C’est aussi le début de la mécanisation des techniques, autrefois toutes manuelles.
Le style NAPOLEON III, 1848-1870, se caractérise par l’imitation  des styles, la confirmation de l’époque précédente par l’emploi des bois foncés et la mécanisation des techniques. Tous les bois sont utilisés, mais l’ébène est particulièrement en faveur pour l’imitation de la renaissance et des meubles Boulle, le pitch pin importé peu cher, le poirier noirci, le bois de rose et le palissandre.

Au XXe siècle :
A la « belle époque », le STYLE 1900, 1985.90-1914, copie en vrac tous les styles précédents.
Cependant, des créateurs (Guimard, Horta, Gaudi… les ébénistes Majorelle, Vallin…), inventent le MODERN STYLE, employant l’acajou du brésil, mais aussi chêne, noyer, poirier.
Pour la marqueterie ; ébène, sycomore.
Après guerre, pendant les « années folles », le STYLE 1925 ou ARTS DECORATIFS, 1914-1939, est luxueux et ne se préoccupe pas des coûts. La mode est aux bois exotiques foncés, ébène, macassar en particulier, palissandre, loupe d’Amboine jaune ou rosée, acajou. Pour le placage ; sycomore, citronnier, bois de rose, et la marqueterie ; argent et nacre, coquille d’œuf, etc …