PATINES : peinture décorative de 2 ou 3 tons
Les patines présentées sont des réalisations de décors peints inspirés du XVIIIe et XIXe siècles, convenant aux boiseries de demeures anciennes, et respectant un esprit classique, authentique et traditionnel, en patine spaltée unique ou en composition de patines de 2 ou 3 tons.
Les patines en harmonie avec le papier peint panoramique sont en plus pastillées, c’est à dire rehaussées au bâton de cire coloré. (photos 1 et 2).
Tous les décors et leur vernissage sont réalisés par nos soins sans sous traitance.
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Les patines en sculpture
Les patines, reflet du rapport entre moulage et original*
Le refus des patines (1879-1885)
Durant les premières années du musée des sculptures comparées (MSC), la sous-commission privilégie les valeurs pédagogiques et documentaires attribuées aux moulages : intermédiaires entre le visiteur et les monuments historiques, ils ne doivent en aucun cas être confondus avec eux. Les instructions de Geoffroy-Dechaume à ce sujet sont limpides : « sur l’épreuve en plâtre, il ne doit rien être retranché des coutures qui doivent rester apparentes, comme témoins irrécusables de l’exactitude du travail. Laisser l’épreuve dans le ton que donne la terre, sans lavage ou patine d’aucune sorte ». Pourtant, la question des patines est déjà débattue, dès la création du musée :
Dreyfus demande à la Commission, s’il n’y aurait pas lieu, avant de terminer le travail d’organisation du Musée, de faire pour les sculptures de qui a été fait au Musée de Kensington, où on donne aux moulages la nuance et la couleur des originaux. C’est ainsi qu’à Kensington on a beaucoup de moulages avec les tons du marbre, du bronze. Pareille chose existe dans certains musées d’Allemagne […] M. du Sommerard estime qu’il importe peu de faire ainsi une sorte de trompe-l’œil, et qu’en donnant aux moulages les couleurs de leurs originaux on retire une grande partie des qualités de ces moulages, leur finesse et leur délicatesse disparaissant souvent sous la couleur dont on les revêtirait.
La patine, considérée comme nécessairement illusionniste, est donc clairement rejetée ; aucune finition, quelle qu’elle soit, ne doit être apposée sur les moulages, afin de ne pas tromper les visiteurs et de préserver autant que possible l’épiderme des moulages, directement imprimé sur les monuments historiques. Conformément aux instructions, les épreuves sont donc exposées brutes, telles qu’elles sortent des moules . Pourtant, ce refus idéologique trouve rapidement ses limites puisque les sources témoignent de nombreuses patines à peine quelques années plus tard.
Les premières patines (1885-1892)
Les premières mentions de « peintures » sont en effet attestées dès 1885 et concernent, pour cette seule année, 33, puis 109, puis 60 pièces. Elles commencent quelques mois après la nomination de Geoffroy-Dechaume à la tête du musée. Il est a priori étonnant de voir que celui qui recommandait de laisser les épreuves « brutes de moulages » entreprend de grandes campagnes de patines dès qu’il devient conservateur. Cette contradiction apparente s’explique peut-être par son expérience : lui-même mouleur, Geoffroy-Dechaume est habitué à pratiquer, la restauration architecturale grâce au moulage, qui consiste à remplacer les originaux abîmés par des moulages, ensuite patinés pour se fondre dans l’ensemble. Les premières patines du musée s’inscrivent peut-être dans la même logique de lisibilité. En effet, la terre d’estampage imprimée à la surface de l’épreuve brouille probablement la compréhension des moulages. Dans ce cas, la patine, neutre, serait appliquée uniformément, pour unifier l’aspect visuel des moulages. Cette hypothèse est renforcée par le temps consacré à ces interventions : dans le cas des 109 pièces, à raison de trois mouleurs en charge des patines pendant 18 à 21 jours, la moyenne correspond approximativement à deux moulages patinés par jour et par personne. Compte tenu du volume de certaines épreuves, il semble donc que ces patines ne relèvent pas d’un savoir-faire particulier, mais bien d’une application simple et répétitive. Un témoignage de 1887 confirme la vocation de ces premières patines : « une faible teinte ou patine répandue avec discrétion, a mis en valeur la sculpture ; les saillies, essuyées légèrement et avec tact, deviennent lumineuses et sans dureté ; les creux s’accentuent sous le dépôt de la teinte ; le dessin et le modelé s’affinent ».
Multiplication des patines et diversification des techniques (1892-1908)
Les patines sont exclusivement réalisées à la cire entre 1885 et 1892 ; à cette date surviennent les patines à la barbotine, également appelées « peintures à la terre ». Elles seront ensuite appliquées sur les moulages parallèlement aux patines à la cire. Il semble en effet que les patines à la cire restent préférées pour des moulages dont les originaux sont constitués d’un matériau lisse. Par exemple, durant cette période sont notamment patinés à la cire une statue d’Hercule, qui reproduit probablement un antique en marbre, et le buste de Charles de Magny , dont l’original est en pierre de liais. La même logique est valable pour les patines à la terre, appliquées sur des moulages dont les originaux sont constitués de matériaux mats et rugueux. C’est par exemple le cas de moulages de chapiteaux en pierre calcaire, qui reproduisent l’épiderme rugueux des originaux et sont patinés à la terre en 1892 . Si les fournitures des barbotines ne sont pas renseignées, il est possible de connaître celles des patines à la cire. La mention la plus fréquente, « cire, essence, couleurs », est récurrente jusqu’en 1908. À cette période, les attachements, plus explicites, font état de tubes de couleurs à l’huile : il semble dès lors que la patine soit réalisée avec de la peinture à l’huile, puis protégée d’une couche de cire, diluée dans de l’essence, probablement de térébenthine.
Cette différenciation des patines correspond peut-être à une exigence visuelle ; en effet, la matière de l’original, même sans patine, est présente, dans la forme même de l’épreuve : la technique du moulage y reproduit fidèlement les veines ou les échardes du bois, la surface granuleuse de la pierre calcaire, ou les finis lisses du marbre et du bronze. Il est alors peu satisfaisant, voire gênant à l’œil, d’appliquer une patine à la cire, au fini lisse et satiné, sur un moulage qui porte les traces d’une pierre rude et granuleuse. Toutefois, s’il suffisait de renseigner le matériau originel, il aurait été possible de laisser ce type d’épreuves nues, leur épiderme étant à lui seul suffisamment explicite. Le recours à différentes techniques de patines traduit donc une volonté de plus en plus marquée de suggérer sur les moulages l’effet des originaux. Ce désir se confirme en 1908 avec l’avènement des patines illusionnistes, qui entrent officiellement dans les attributions de l’atelier de moulage.
Les patines illusionnistes (1908-…)
À cette date les sources attestent en effet de patines que nous qualifierons d’« illusionnistes », c’est-à-dire cherchant à reproduire la teinte et l’aspect du monument original. Le bois est l’un des matériaux les plus souvent imités, cette patine étant appelée « teinte couleur bois ». Nous disposons d’assez peu d’informations sur les vernis utilisés, sinon qu’ils sont à base de gomme laque et parfois appliqués en deux couches. En 1909, les patines imitant le bois sont appliquées sur plusieurs moulages à la fois : la fréquence de ces interventions rappelle, dans une moindre mesure, les patines de masse des premières années. Il arrive également aux mouleurs, en fonction des matériaux des originaux, de reproduire notamment les effets de la pierre colorée ou du bronze. La patine du moulage de la statue équestre de Bartolomeo Colleone, imitant le bronze de l’original , est à ce titre particulièrement intéressante car elle renseigne sur les recherches menées par l’atelier de moulage. La mention « échantillonnage de la teinte à la cire. Teinte à la cire à 3 tons de fond et retouches des surfaces » indique d’abord que la patine a fait l’objet d’essais préalables pour trouver la bonne teinte. Par ailleurs, la superposition de plusieurs couleurs pour traduire l’effet du bronze est alors couramment utilisée pour le bronzage des plâtres : il s’agit de méthodes complexes, nécessitant une mise en œuvre importante et des ingrédients spécifiques, notamment des oxydes métalliques et divers produits chimiques. Il semble donc qu’au MSC, lorsque se multiplient les patines illusionnistes, Charles-Édouard Pouzadoux s’inspire de différentes techniques professionnelles, qu’il adapte et simplifie. Ceci expliquerait l’expression qu’il emploie dans l’une de ses soumissions : « peinture à la cire d’après mon procédé en usage au musée de Sculpture comparée suivant la nature des originaux ». Cette distinction entre les patines faisant l’objet d’un métier spécifique et celles mises en œuvre par les mouleurs du MSC pourrait ainsi expliquer que le terme de « patine », pourtant largement utilisé au XIXe siècle, ne soit pas employé au MSC, où l’on préfère les termes « peinture » ou « teinte ». Cette hypothèse est renforcée par l’histoire du MSC après 1927 : lorsque Paul Deschamps transforme le musée de Sculpture comparée en musée des Monuments français, il a systématiquement recours à des patines, explicitement nommées, et réalisées, non plus par les mouleurs, mais par des « patineurs » spécialisés.
Les patines après 1910
À partir du deuxième semestre 1909 les sources ne mentionnent plus le caractère illusionniste des patines, mais l’étude des fournitures semble indiquer qu’elles se poursuivent. Ainsi, des moulages reproduisant des fragments des églises de Brou et d’Aubazine font l’objet de patines spécifiques : la couleur des épreuves de Brou est créée avec beaucoup d’ocres jaunes et rouges, additionnées de brun, de vermillon, de jaune, de noir et de blanc, tandis que celle des moulages d’Aubazine se compose surtout de brun, d’un peu de noir, de jaune et de blanc. Les patines ne cherchent donc pas à créer l’archétype d’un « effet pierre » mais, au contraire, une couleur spécifique est mise au point pour chacun de ces ensembles.
Par ailleurs, les sources font état, en 1913, d’une « reprise en couleur des traits gravés et teinte cire » sur les moulages des panneaux de la maison de Nicolas Flamel. Ces panneaux, ornés de scènes figuratives et d’inscriptions, sont quasiment des gravures. Il est donc intéressant de remarquer qu’à cette période, le MSC acquiert des moulages d’éléments plats, rehaussés de décors et d’effets de surface. Après l’essor des patines illusionnistes, il semble que l’attention portée à la surface des monuments soit tout aussi importante que celle initialement accordée à la forme. On est loin ici des premières prescriptions du MSC qui, lors de sa création, exposait uniquement des moulages blancs et couturés, laissant voir essentiellement des volumes destinés à l’apprentissage des architectes.
Entre 1879 et 1927, les moulages du MSC font donc l’objet d’une gamme variée d’interventions visant à restaurer leur structure, intimement liées aux déplacements d’œuvres dues aux nombreuses acquisitions durant cette première période. Si les sources sont relativement pauvres au sujet des nettoyages, elles sont en revanche très détaillées à propos des patines, pour lesquelles on observe rapidement une formidable transformation. Cette évolution semble d’ailleurs assez naturelle ; les surfaces des matériaux originaux s’imprimant sur l’épiderme des épreuves, le résultat produit a pu être assez décevant : en effet, sur une masse entièrement blanche, censée seulement évoquer un volume, les caractères propres des matériaux, distinctement imprimés sur les moulages, pouvaient difficilement être ignorés. La patine, dans ce cas, apporterait une certaine cohérence à un objet hybride et hésitant. C’est au même moment, en 1907, que les patines illusionnistes se développent dans l’atelier de moulage du musée du Louvre. Si nous n’avons pas eu le temps d’effectuer les comparaisons nécessaires, une recherche croisée entre les différents ateliers pourra peut-être mettre en évidence des points importants sur les pratiques du début du XXe siècle. La multiplication de ces patines illusionnistes traduit peut-être un changement de statut de ces moulages. En effet, jusqu’au XIXe siècle, le plâtre reste souvent un moyen et non une fin. Étape intermédiaire entre le modelage et l’œuvre finale, en bronze ou en marbre, le moulage possède rarement une valeur artistique propre. C’est seulement lorsque le sculpteur arrête la création à cette étape que le moulage acquiert une valeur propre d’œuvre à part entière. Il reçoit alors une patine, témoignant de son statut d’œuvre finale. Il est possible que les patines, appliquées peu à peu sur les moulages du MSC, aient eu la même valeur de finition pour ces plâtres, laissés d’abord blancs et nus. Il est alors intéressant de réfléchir à la valeur de ces moulages ; s’ils ne correspondent pas à une étape intermédiaire dans un processus de création, ils sont, en 1879, explicitement assujettis aux originaux qu’ils reproduisent, et avec lesquels ils ne doivent pas être confondus. Au regard de la valeur attribuée aux patines des plâtres au même moment, il semble que les patines du MSC traduisent une indépendance nouvelle vis-à-vis des originaux, et une mise en valeur de la force expressive propre des moulages.*
*Par Julie Beauzac dans « in situ.Revue des patrimoines «