ARTICLE : HISTOIRE DE PEINTURE (suite) , LE MATOLIN

ARTICLE : HISTOIRE DE PEINTURE (suite) , LE MATOLIN

Le MATOLIN

Recherches de documents illustratifs et de textes présentés par Jean-Jacques Chevrier, peintre décorateur ethnologue
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Le Matolin

Dans les feuilles consacrées au Ripolin, j’ai parlé de l’affichiste illustrateur et dessinateur Eugène Vavasseur, le créateur des trois frères Ripolin. A la même époque, il illustrait les nombreuses publicités d’une autre marque de peinture, le Matolin.

Le Matolin, comme on disait à ce moment était une fabrication anglaise qui fut importée en France au tout début du XXe siècle, en 1904 ou 1905. Tous les articles et slogans publicitaires présentent cette peinture comme révolutionnaire.

Qu’était-elle ?
« Au point de vue artistique, le « Matolin » est le revêtement rêvé pour donner aux murs un cachet vraiment artistique dans le sens le plus absolu du mot. 
Son bon goût fait valoir les meubles et les tableaux et donne une note de distinction et d’élégance dans toute la Maison. Aucun produit ne possède un si grand nombre de si jolies couleurs. Le « Matolin » possède, en effet, 70 teintes depuis les couleurs foncées les plus riches jusqu’aux couleurs claires les plus délicates, ce qui contribue beaucoup à obtenir un résultat très décoratif et très artistique. L’emploi du « Matolin » est très recommandé par les docteurs, car il aide grandement au maintien de la propreté et l’hygiène dans la Maison. Dès l’application il devient un véritable désinfectant et un excellent destructeur de microbes grâce au 2 ½ % d’acide phénique qu’il contient. Tous les grands Décorateurs emploient le « Matolin ». Demandez au vôtre de vous montrer la série des pochoirs artistiques qui peuvent être obtenus directement. »
(La vie au Grand Air du 11-07-1908)

« Vendue sous forme de pâte, ce qui la rend tout à fait assimilable, il suffit d’ajouter un peu d’eau et la voilà prête à l’usage. Elle sèche instantanément, et, qualité précieuse, elle est lavable au bout de trois semaines. Elle s’applique sur tous les matériaux, c’est la seule qui tienne sur le ciment, et une fois sèche elle devient dure comme de la pierre. » (L’Intransigeant du 8-03-1907)

« Voici tantôt deux ans, parlant à cette place d’une originale peinture à l’eau de provenance anglaise qui venait d’être introduite en France, je pronostiquais que le Matolin – tel est son nom – ne tarderait pas à devenir populaire chez nous. Eh bien ! à l’heure où j’écris ces lignes, les résultats ont confirmé mes prévisions. Ils les ont même dépassées : personne, parmi ceux qui sont au courant des choses du bâtiment, ne me démentira. Pour un succès, c’est un succès : c’est même un triomphe. »Emile GAUTIER.» (Le journal du 16-06-1908)

Un article signé M. Bernard paru dans la revue La Justice du 18-06-1905 et consacré aux vacances des parisiens rapportait :« Quel plaisir de se reposer dans une chambre passée au « Matolin ! Ses parois lavées à grande eau tous les matins offrent au regard le velouté de la peluche. Tout brille, l’on se sent reposé. La nuit, plus de parasites. Pour une fois l’hygiène s’est associée à l’art. Les qualités antiseptiques du Matolin font fuir à tire d’ailes moustiques, mouches et toute la gente ailée et bourdonnante. Quant aux meubles, ces meubles de campagne si légers, si commodes et que tous les ans, les injures du temps rendaient plus maussades, si elles ne les disloquaient pas, la peinture laquée le Matolin en a fait des meubles Louis XVI qui ne dépareraient pas le Trianon. Agrément de la vue, tranquillité du repos, voilà ce qu’a fait l’introduction de la peinture laquée en France. Rendons hommage au Matolin, la première des peintures laquées et à leurs introducteurs en France, MM. Cornford et Cie, 14, cité Magenta.»

« Par ces temps d’épidémie, assainissez les murs, plafonds, placards, etc…de vos habitations, bureaux, salles de réunions, baraquements, usines, par le Matolin, peinture hygiénique. Remplace les papiers peints et est plus artistique.» (L’Intransigeant, du 12-11-1918)

Le 12 mars 1907, le cuirassé d’escadre le Iéna explosait et brûlait dans le port de Toulon occasionnant la mort de 117 marins. Un journaliste relatait cette catastrophe dans un article qu’il concluait en ces termes : la commission d’enquête expliquait la propagation de l’incendie par le fait de l’emploi courant « de la peinture à l’huile pour le revêtement des cloisons, » et qu’ « il est, en effet, reconnu que c’est un des plus actifs agents de transmission du feu lors d’un sinistre. Voilà ce qu’on n’a pas à craindre avec une peinture ignifuge comme le Matolin, par exemple, qui, étant à base de silicate, devient, en séchant, dure comme la pierre, et est, par conséquent, absolument incombustible. »
(Le Journal du 28-031907).
Il s’agissait en fait d’un article publicitaire pour la peinture le Matolin, la publicité ne reculant devant aucun argument, même il y a plus d’un siècle.

J’ignore aujourd’hui si cette peinture eut une descendance, si la société qui le fabriquait a perduré dans l’histoire, ne trouvant aucun renseignement en dehors du Matolin.

ARTICLE : HISTOIRE DE PEINTURE 2 : la peinture RIPOLIN

ARTICLE : HISTOIRE DE PEINTURE 2 : la peinture RIPOLIN

HISTOIRE DE PEINTURE (suite): 1904 Année noire pour RIPOLIN

Recherches de documents illustratifs et de textes présentés par Jean-Jacques Chevrier, peintre décorateur ethnologue

s.v.p, cliquer ICI pour voir le PDF.

« Il était exactement 4 h. ¼. »

Les mille bruits de la fabrique, les sifflements joyeux, le halètement précipité des machines troublaient seuls le silence. Tout à coup, une détonation formidable ébranla la plaine. La cheminée de l’usine était projetée de tous côtés, les vitres volaient en éclats, tandis qu’une formidable gerbe de feu jaillissait des fenêtres du premier étage. Sous la violence de l’explosion, un arbre, en face de l’usine, fut déraciné et projeté à quelques mètres de là ; le bitume fut soulevé sur plusieurs mètres de longueur ». (Le Radical du 13 novembre 1904)

Tous les journaux parisiens de l’époque décrivent à peu près dans les mêmes termes la forte explosion de l’usine.
Le Petit Parisien du 12 relatait : « Vers quatre et demie, tout le personnel vaquait à sa besogne habituelle dans les divers ateliers du bâtiment principal lorsqu’une explosion formidable se faisait entendre dans le hangar des préparations sous-marines. La toiture s’effondrait aussitôt et une véritable trombe de flammes traversait les ateliers du bâtiment principal, dont une partie de la façade s’effondrait à son tour sur le quai d’Issy. Le déplacement d’air avait été si puissant que des blocs de pierre de taille mesurant près d’un mètre cube avaient été projetés au-dehors et avaient, en tombant, à demi brisé un des arbres du quai. Tout cela n’avait été qu’un éclair. Mais cet ouragan de feu avait attaqué boiseries et récipients contenant des essences, des pétroles et d’autres matières éminemment inflammables. »

L’inflation du sensationnel est palpable dans tous les journaux parisiens bien qu’ils se copient les uns les autres. Un journaliste du journal Le XIXe Siècle, dans une envolée lyrico-patriotique déclarait : «…cette nuit durant laquelle de pauvres gens trouvèrent une mort si misérable. Aussi belle que la mort au champ d’honneur, grande par l’idée de sacrifice qu’elle évoque et les circonstances héroïques dans lesquelles elle a lieu, la mort sur le champ du travail… ».

On peut imaginer la panique parmi les ouvriers au travail « les femmes surtout, dont les vêtements légers avaient pris feu, tournaient, couraient affolées, cherchant une issue pour fuir la mort qui de toutes part les entourait. » La Dépêche du 12, écrivait : « Le bâtiment était occupé à ce moment par de nombreuses ouvrières ; beaucoup se sont jetées par les fenêtres ; d’autres ont utilisé des échelles de sûreté récemment posées. Mais, au cours du sauvetage, à la suite d’un éboulement provoqué par des explosions partielles, un pompier a été obligé de lâcher une des malheureuses qu’il venait de retirer du bâtiment incendié et la pauvre femme est retombée dans les flammes. » Tout comme aujourd’hui, les élus réagissent dans l’émotion.

Le Président du Conseil général adressait ses « sympathies aux familles douloureusement éprouvées par ce sinistre. ». Le préfet de la Seine s’associait « aux condoléances exprimées » par le président du Conseil général. Il était rappelé une proposition récemment déposée par un élu au Conseil municipal de Paris qui demandait « la suppression des grilles placées aux fenêtres des usines où l’on fabrique des matières inflammables. » Il fut envisagé de « réviser le décret de 1894 en ce qui concerne la sécurité des ouvriers dans les ateliers. »

Le bilan de ce terrible accident affichait cinq morts. Treize blessés étaient soignés à l’Hôpital Boucicault et à l’Hospice des Petits-Ménages sur les vingt-cinq recensés. Les autres, plus légèrement atteints étaient reconduits à leur domicile après avoir reçu des soins sur place. Des aides furent apportées aux familles des victimes. « Des listes de souscription » circulaient dans la commune et plusieurs usines firent « appel à la solidarité de leur personnel. »

Le correspondant du Journal du XIXe Siècle dépeint le spectacle qui s’offre aux yeux des visiteurs le lendemain matin : « L’aspect des lieux est lamentable. Les usines Lefranc sont intactes mais rien ne subsiste de l’usine Ripolin. Des nuages de fumée s’échappent encore des ruines que les pompiers arrosent incessamment… Partout, la désolation et la tristesse. Dans un rayon de 500 mètres, les arbres sont carbonisés et les façades noircies. Les fils télégraphiques ont été détruits par la violence du feu sur une longueur de 300 mètres. La cour de l’usine est encombrée d’un amas innommable de charpentes en fer, de pierre de taille et de plâtras. Les murs qui restent debout menacent de s’écrouler à tout instant et l’on attend incessamment que des équipes de maçons arrivent pour les abattre. »