Hommage à Pierre Lefumat, Maître es Faux Marbres
par Joëlle Godefroid, mai 2011
Connaissez-vous l’église Saint-Roch ? C’est pourtant l’une des plus vastes de Paris.
Bien qu’insérée au 284 rue Saint Honoré 75001, elle mesure 125 mètres de long, soit cinq mètres de moins que la cathédrale Notre-Dame!
Et pourtant, elle est connue comme la paroisse des artistes, car nombreux sont ceux qui y ont été enterrés ou dont les obsèques ont été célébrées, mais aussi pour la riche collection d’œuvres d’art qui y est conservée.
Commanditée par Louis XIV, conçue et réalisée par les grands architectes du XVIIe et XVIIIe siècle (Jacques Lemercier, Jules Hardouin-Mansart, Robert de Cotte, Louis-Etienne Boullée), puis profondément remaniée au XIXe siècle, l’église rassemble aujourd’hui un important patrimoine d’œuvres des XVIIème et XVIIIème siècles.
Ses chapelles successives offrent de superbes décors de marbres vrais et faux, certainement restaurés à de multiples reprises. S’ils ne peuvent être comparés aux spectaculaires églises Italiennes, ils n’en valent pas moins l’étude, car c’est un magnifique exemple de composition en trompe l’oeil savamment orchestrée.
Mais ce pourquoi j’engage les amateurs de bella factura, c’est qu’on peut y admirer les premiers faux marbres que Pierre Lefumat aura pu réaliser sans l’aide de son père. Son père, qui lui a appris le métier de peintre en décors, en sa jeunesse.
Pour l’imitation des marbres, Pierre fut à un niveau pictural exceptionnel; pas seulement par la technique, mais surtout aussi par l’inspiration dans l’interprétation et la composition; comme on pourrait le dire d’un musicien.
Je voulais dire au sujet des marbres de Pierre qu’on y voit bien plus qu’une imitation délicatement et esthétiquement réussie, aux couleurs harmonieuses, à la construction d’un parfait équilibre, douce et vigoureuse à la fois, très osée, mais sans ostentation, simplement parce qu’il peut se permettre toutes les audaces, et retomber comme un chat sur ses 4 pattes. On y voit qu’il se joue avec aisance des difficultés, bien sûr, mais on sent aussi qu’il nous invite et qu’il nous accueille, avec générosité et simplicité dans un monde, qu’il nous y emmène à voir avec lui et nous raconte son dialogue géologique (conversation avec la matière), l’histoire du temps qui a construit patiemment une merveille unique.
C’était la démarche de la recherche qui l’intéressait et non la démonstration d’une prouesse technique. Sa peinture est introspective et jamais tape à l’œil; c’est ce qui fait sa profondeur, son charme et sa saveur.
Et s’il était content de sa peinture -ce qu’il n’était pas facilement- il l’a offert. Car Pierre Lefumat a partagé ses oeuvres généreusement, avec tous ceux qu’il a estimé, pour l’amour de son métier.
Son attitude face au métier me confirme la conviction que ce qui fait la qualité du décor est
dans le don de soi (càd qui ne « s’impose » pas à autrui) et la spécificité de notre métier, d’être à l’écoute (sentir, comprendre la demande du commanditaire), de savoir faire plaisir (surprendre, toucher, intéresser, et même émouvoir) ; afin que le décor peint soit plaisant et savoureux, qu’il valorise par l’élégance de son concept et de son harmonie, le lieu pour lequel il est destiné.
Si vous visitez l’Eglise St Roch, source d’inspiration et de sérénité, saluez bien Pierre Lefumat.