DESCRIPTION
Compositions décoratives exitant depuis l’antiquité, les grotesques rassemblent, sur un axe vertical, en regard l’une de l’autre, des formes animales, végétales et hybrides articulées entre elles par des mouvements gracieux de figures sans perspective. Les motifs de médaillons et rinceaux, figures hybrides mi-végétales, mi-animales, alternent en un jeu graphique et capricieux, rythmés habilement de pleins et de vides. Le décor joue sur les contrastes, de tons foncés sur fond clair (ton pierre, jaune de naples, bleu pâle, vert pâle), ou inversement (rouge cinabre).
Il en existe sans interruption dans la pratique décorative depuis qu’elles ont été redécouvertes à Rome à la Renaissance, sur tout support et dans toutes les techniques possibles :
- Fond en bois (lambris) décor à l’huile ou à la colle
- Tapisserie – fin XVIIème siècle
- Fond enduit décor à fresque, à sec, en détrempe à la chaux ou organiques
- Fond en toile et décor à l’huile
- Papiers peints
La grotesque, pur produit de l’imagination et de la fantaisie, est donc l’antithèse des lois fondamentales esthétiques de la renaissance. L’ironie est que sa redécouverte ait lieu au tout début du XVI° s. Dès lors, de copies en variations, immense fut son succès.
HISTOIRE
La grotesque prend racine à Alexandrie, ville nourrie d’apports orientaux. Dans leurs riches villas, les Romains en firent de magnifiques décors, redécouverts lors de fouilles, à la fin du 15e siècle. La très fameuse « Domus Auréa » de Néron fut une mine d’or pour les peintres d’alors, tels Raphaël, Guirlandaïo, Philipino Lippi, Pinturichio.
Dès lors, les grotesques sont peintes sur les pilastres, puis sur les voûtes, enfin les murs, des palais et églises.
1616-20 : Loge du Vatican, par l’atelier de Raphaël (Giovanni d’Udine), qui fût admirée par Vasari lui-même.
Leur formulation assagie et stricte devient bien vite normative et fut largement diffusée dans toute l’Europe, grâce à l’imprimerie. Les graveurs du Nord vont multiplier les variations et surenchères, tantôt dans le monumental, tantôt dans le fantasque et « drôleries » inspirées des peintures médiévales.
Au 17e siècle, à l’époque du baroque, l’engouement est principalement pour le somptueux ; les motifs sont généreux et lourds, laissant apparaître peu de vides, les couleurs éclatantes, et beaucoup d’or. Berain (1637-1711), Atelier de Le brun (galerie d’Apollon au Louvre, Vaux le Vicomte, Versailles).
On utilise désormais le terme Arabesque ou « Rabesque » (lorsqu’on redécouvre sa parenté orientale).
Au 18e siècle, le style rococo allège les formes ; la scène principale s’affirme, pastorale de couleurs naturelles. Le goût est aussi aux singeries et chinoiseries, entourées de formes rocailles détruisant la symétrie. Claude Gillot (1673-1722), Claude III Audran (1658-11734), A Watteau (1684-1721), C. Huet (Château de Chantilly, Hôtel de Rohan) créent un style français.
Puis, vers 1750, naît sous Louis XVI, le style Néoclassique; M. de Vandières, futur directeur des bâtiments du Roi, s’étant formé à Rome, et grâce à la parution des publications soignées des croquis d’Adam, de Clérisseau, de Pâris, sur les ruines antiques, ainsi que les fouilles d’Herculanum. L’arabesque, au faîte de sa popularité, et atteignant alors un heureux équilibre entre la raison (valeurs philosophiques antiques) et les sens (sensualité de la vie), décore jusqu’aux soies de Lyon et surtout, le papier peint, ainsi que les objets luxueux : porcelaines de sèvres, émaux des tabatières, meubles peints bronzes ou marqueteries de mobilier, etc.
Sous le Directoire et l’Empire, l’arabesque reste en faveur tout le long du néo-classicisme ; en 1801, puis en 1812, Percier et Fontaine, publient un recueil de leurs ornements. La composition devient monumentale, mais perd en charme et fantaisie.
Sous la restauration, les formes s’alourdissent (décor du « grand Véfour », fameuse brasserie du palais royal), et sont d’une grandiloquence en totale rupture non seulement avec les réalisations des générations précédentes mais aussi avec les modèle antiques et de la renaissance.
Dans la seconde moitié du siècle seront publiées d’innombrables modèles de tous les styles, telle la très connue « Grammar of Ornement » d’Owen Jones (1856). Les modes du néo-médiéval, gothique, se mêlant à celles de la renaissance (style appelé « Henri II »), Louis XVI (fascination de l’impératrice Eugénie pour Marie Antoinette),etc., vont multiplier l’usage de l’arabesque, dans les lieux publics même (théâtres, musées), mais aussi sur les meubles peints.
Cette mode se maintient jusqu’à la première guerre mondiale, sinon après.
Les thèmes
- Sous l’influence de la comédie satirique italienne, représentation burlesque parodiant les actions de la vie humaine. Mais aussi, la folie, le songe, apparitions étranges, impressions fugaces : d’où, le sommeil (décor de lit du château de Vaux le Vicomte), l’ivresse (un des thème privilégié est la chèvre bacchanale, les bacchantes), la fête en général (branchage coupés des processions).
- Par extension, les changements d’état, les transformations, hommes-animaux, signes zodiacaux (signifiant les différents caractères) : les bizarreries, drôleries ou monstres largement présents dans les manuscrits de l’Europe du Nord du 14eme siècle.
- Rinceaux habités, longues tiges d’acanthe ou de vigne à l’enroulement infini où fourmille toute une faune à échelle variable.
- L’amour, heureux ou malheureux, auquel Watteau fait sans cesse référence ; «la cause badine », «le berger content », «l’heureux moment », «l’enjôleur », «le faune », ou plus coquin, «la balançoire ».
Les Lois
Deux lois fondamentales clairement définies par André Chastel, nous permettent de toujours les reconnaître :
- la négation de l’espace : il s’agit d’un monde sans poids, sans épaisseur articulé selon un mélange de rigueur et d’inconsistance, une architecture de la suspension et du vertige.
- le démon du rire; fondé sur le jeu et la combinaison de formes hybrides mi-végétales, mi-animales ou mi-humaines qui surgissent dans un foisonnement vivant.